El dia del alumno

Publié le par sabolon

Pour continuer sur la lancée de l'article précédent, je voudrais préciser pourquoi il est si important que les cours soient synthétiques : ici, un cours, c'est quarante minutes, disons trente effectives. Souvent les heures sont couplées, donc on peut tabler sur une heure et quart.

 

Ensuite, il faut compter avec les innombrables impondérables : les tremblements de terre, les révolutions, les coups d'Etat, les manifestations, les grèves : toutes ces soubresauts collectifs... qui raniment les passions, fouettent le sang - bref, font aussi le prix de la vie, et les souvenirs. Hum ! J'exagère bien sûr, je ne pense pas vraiment ce que j'écris). Et puis les fêtes bien sûr !!! Ah ça c'est la partie chouette.

 

Le jour de l'élève par exemple. Bon, ça doit être bien fait, parce que selon ma coloc chilienne, ça peut vite tourner au prétexte pour perdre un jour (je rappelle le contexte : profs sous payés, en saturation horaire, bruit... ça dilue l'efficacité ; il faut quand même des compensations : un jour de repos au boulot c'est pas bien trouvé ça ? On mange des gâteaux et on papote). Mais ce à quoi j'ai assisté m'a semblé convivial et très formateur comme exercice d'autonomisation des élèves. Ils devaient préparer, avec un professeur référent, des activités pour cette journée où l'école ouvre ses portes, mais sans qu'il y ait cours. Les élèves avaient la possibilité de payer une obole pour ne pas porter ce jour là l'uniforme, façon de financer le foyer. Dans la cour, les enceintes crachent du reggaeton (pour les plus de vingt-cinq ans, c'est pas la coolitude reggae, mais plutôt du zouk latino, ça se chaloupe à deux très serrés ! Mais bon, là personne ne danse... il n'y a que des garçons :-) )

 

Au menu dans les salles : débats sur des thèmes scientifiques, projections de films en langue originale, activités sportives...

 

J'ai pour ma part assisté à un café littéraire. Dans la salle, une quarantaine d'élèves, quelques invités (... parmi eux... deux ou trois filles !!!). Je suis en avance (ou à l'heure, mais ici ça ne veut pas dire grand chose), mais la salle est déjà assez pleine, et je reconnais du coin de l'oeil quelques élèves que j'ai déjà vus. D'ailleurs, ils demandent la permission de venir s'asseoir à ma table (toujours l'extrême politesse chilienne), et une discussion s'engage. On reparle de la "situation démocratique" à laquelle j'avais assistée pendant leur cours d'histoire, et qui m'avait si fort intéressée. Et puis ils me montrent des chansons qu'ils écrivent, un poème assez bon.

 

Ils sont trois, très typés, l'un a l'air même péruvien, un peu de la "calle", imaginez Renaud, avec son blouson de cuir, son anneau à l'oreille, sa coupe en brosse, et la façon de faire des arrêts sur image quand il parle, de suspendre un geste. Je ne sais pas à quoi attribuer la maturité dont ils font montre, et qui tranche sur mon expérience d'adolescente, ou sur les ados que je vois aujourd'hui : entre eux, ils montrent une fraternité virile de camarades, de pairs dont on apprécie la compagnie et respecte le talent particulier, une petite société d'hommes de seize ans qui font déjà tout comme les adultes, qui s'engagent avec passion, sérieux et authenticité dans ce qu'ils vivent, ce qu'ils pensent, ce qu'ils ressentent ; parlant des chansons engagées de Nirvana, des conflits entre gangs dans les quartiers, de la littérature en relation avec la vie ; d'amour, de politique ; d'abattement et d'espoir.

 

Par rapport à la qualité de la discussion, je suis un peu déçue par celle des textes lus. J'ai apprécié la mise en voix des textes, la forte accentuation d'une syllabe dans chaque mot se prêtant à la création de rythmes variés. Mais les thématiques sont désépérément répétitives, le mal être adolescent trouvant un écho répétitif et obsédant dans les désespérances urbaines, l'évocation complaisante de viols, de suicides... Et je ne peux juger à la simple écoute de la qualité ou de l'originalité de l'expression. En plus, la fin du café est un peu ternie par une remarque déplacée d'un ancien étudiant, qui animait autrefois le café, anime aujourd'hui un café littéraire "en ville", se fait carrément moussé, est venu lire un texte assez formatliste et creux. Il critique sans tact aucun l'organisation actuelle... qui certes laisse a désirer mais dont les efforts sont visibles et louables. Petit péteux !

 

Mais la discussion avec mes trois acolytes se prolonge bien au delà du café, jusqu'au milieu de l'après midi, jusqu'à ce que les élèves plus jeunes de l'après midi prennent possession des lieux.

 

Si je compare les établissements français que j'ai fréquentés et le lycée chilien que j'observe, je dirais que les situations sont moins purement scolaires et déconnectées du dehors - un détour pour structurer intellectuellement un individu - qu'on ne présente des situations ou le savoir, le savoir faire et le savoir être sont imbriquées, qui "servent" humainement les élèves : le contenu est certes limité au strict minimum, mais les démarches sont concordantes et instaurent chez les élèves avec qui j'ai parlé la capacité d'articuler des idées, et de les défendre de façon convaincante.

 

Enfin, j'ai omis de préciser que ce même jour, on a fêté "le dia de la madre"... toutes les professeures étant considérées comme les mères des élèves dans le cadre de l'établissement (oui, tout cela est très paternaliste, le modèle de la famille est partout ici et on n'y échappe pas). Leurs collègues masculins avaient donc organisé un goûter dans la salle des professeurs. Elles leur rendent la pareille le jour de la fête des pères, et il y a une émulation qui s'est instaurée... Ils avaient donc mis les petits plats dans les grands. Tables dressées en U, nappes, boissons et énorme gâteau à la crème. Le prof de castillan dont j'ai déjà fait l'éloge a fait un discours en forme de récit sur l'amour maternel qui accueille et pardonne, ne laissant apparaitre le mot de la fin qu'après une très longue digression centrée sur la petite poupée de chiffon d'une enfant nommée Marie Madeleine. Puis des étudiants sont entrés, et ont donné à chaque dame, au nom de tous, une rose, un petit sachet de bonbon, et un mot de remerciement.

 

Sachez qu'il existe aussi un "dia del professor" ! Je ne sais pas ce qui s'y fait, et s'y il a d'autres fêtes, mais enfin, à ceux qui cherchent des idées pour créer un établissement convivial, je crois qu'il y a matière à creuser ici...

 

 

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B
<br /> oui oui, je veux un jour du professeur! je suis prête à l'instaurer antidemocratiquement dans mon règlement de classe l'an prochain!<br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Ah! ah! ah!... J'étais sûre que ça plairait, en France, cette idée là !!!<br /> <br /> <br /> <br />